Guillaume Tendron
Février 2001, si loin et pourtant si présent
dans ma mémoire.
Les protagonistes de cette parenthèse
africaine ont depuis empruntés d’autres
chemins de vies.
Il reste dans ma tête la rencontre avec un
continent, pour moi une autre planète, des
lieux, des moments de partage, des sons,
des odeurs.
D’abord le voyage, il commence à Roissy-
Charles De Gaulle un matin d’hiver, dans
la file d’attente à l’aéroport pour embarquer
dans l’avion qui m’emmènera vers la terre
mère de l’humanité.
Je suis le seul blanc. Je laisse mes parents
derrière moi. Je les vois encore mais déjà
j’écoute la douce musique des
langues que je ne connais pas. Des
regards interrogateurs se posent sur moi.
Que fait-il là ce jeune blanc à peine sorti de
l’enfance? Mama Africa est une ogresse,
va-t-elle le manger ?
Puis le voyage au dessus du désert que je
connais à travers les méharées de
Théodore Monod. On est au dessus de la
Libye.
Je pense à mon grand père qui livra
bataille à Bir Hakeim des années plus tôt
avec l’énergie du désespoir et
quelques vieux canons . Ils furent une
poignée mais ce fut un tournant et il
permirent à Albion et par-delà à l’humanité
de redresser la tête après 2 ans de
ténèbres ininterrompues.
Je n’ai jamais vu d’aussi grandes étendues de
sable. Puis la savane du mali , une
végétation sèche brûlée par le soleil, des
étoiles métalliques scintillent à travers le
hublot. Ce sont les toits métalliques des
maisons et des cases des habitants du
continent qui renvoient la lumière du soleil.
Le grand oiseau de métal descend, je vois
la mer, les côtes au large du Cameroun
puis le Wouri, fleuve qui borde Douala. Les
roues de l’appareil touchent le tarmac de la
terre promise.
Je sors. La lumière intense m’aveugle et la
chaleur humide m’étouffe. En quelques
heures je suis passé de – 2°c à 18°c dans
l’oiseau climatisé à 38°C en saison sèche
dans un milieu équatoriale. Je sens qu’ici
tout est saturé d’humidité. En quelques
minutes, mes vêtements sont trempés et
me collent à la peau.
Une immense queue s’organise pour les
formalités douanières tatillonnes héritées
de mon peuple colonisateur.
Je comprends tout de suite que l’on est
encore en France Afrique, il y a un guichet
spécial pour les blancs comme moi
dépendants du consulat. Un billet glissé
dans mon passport (conseil donné par un
autochtone au préalable) on regarde à
peine mon visa, je peux sortir vers le hall de
l’aéroport où un comité m’attend.
Pour celui qui emprunte l’autre file il devra
attendre plusieurs heures et faire face à
moult tracasseries inventées par ses
congénères bureaucrates pour lui délester
les poches.
L’aéroport est un monde en soit, les gens
circulent dans tous les sens, s’interpellent.
Il y a des colis partout.
Très vite je vois que je suis le centre
d’intérêt. On vient vers moi, ce n’est pas la
personne que j’attends mais plusieurs
porteurs de valises. Je leur dis que je
souhaite porter seul mon sac. Mais vite je
comprends que je n’ai pas le choix.
Ici le blanc même si il est anticolonialiste
ne porte pas son fardeau, il doit le donner à
d’autres. C’est une règle à laquelle on
n’échappe pas et c’est leur métier. J’en
choisi un au hasard, 1000 francs CFA plus
tard et le voilà chargé comme un escargot
avec toutes mes affaires pour passer
quelques moi ici.
Enfin une tête connue, celle de celui qui
sera mon guide et bien plus encore
pendant tout mon premier séjour africain.
Deux amis l’accompagnent, on s’engouffre
dans un taxi jaune, une vieille Toyota
Celica comme il y en a des milliers à
Douala. Il m’emmène vers une nouvelle vie.