Guillaume Tendron
Un matin, à l’aube, il prit son sac à dos, quelques affaires, franchissa le seuil de sa maison et marqua un temps d’arrêt.
Il aimait le petit matin où le temps semblait suspendu et la nature se réveillait peu à peu. Il huma l’air encore frais, pris le temps d’écouter le chant des premiers oiseaux et senti une légère brise lui caresser le visage.
Il fit tourner la clef dans la serrure et la mis sous une pierre à proximité de la porte d’entrée. Nul ne savait et surtout pas lui-même quand il reviendrait. Sa maison allait entrer dans un long sommeil . L’appel de la route l’avait pris.
En quelques jours, il avait réglé ses affaires, démissionner de son travail, plus rien ne le retenait ici.
Sa femme avait tiré sa révérence plus tôt que lui, bien trop tôt à son goût.
Ils n’avaient connu ensemble que les années de travail et les privations Ils s’étaient oubliés eux-mêmes et n’avaient pas pris le temps de vivre. Elle s’était tuée à la tâche et lui n’avait pas su l’en dissuader.
Quand elle fut partie, il s’était promis:, « je vais voyager, je ne sais pas où, quand et comment mais je vais aller voir le monde et les gens. Il lui avait fait la promesse de l’emmener partout avec lui et lorsqu’il eu fini de disperser ses cendres à l’endroit qu’elle avait choisi, il en garda une quantité infime dans une boîte minuscule qu’il transportait depuis chaque jour dans sa pochette. Ainsi il l’emmenait partout avec lui et cette fois encore bien sûr elle était du voyage.
Il avait calculé que s’ il vivait chichement, il pourrait voyager plusieurs années sans avoir à se préoccuper de gagner de l’argent. Ses maigres économies lui suffiraient.
Ce qu’il voulait c’était voir des paysages, beaucoup de paysages, vivre avec le strict minimum et faire des rencontres de hasard, en sommes vagabonder, sans itinéraire prédéfini, se laisser porter par les circonstances. Il avait décidé de marcher, marcher pour se vider la tête, marcher pour méditer, marcher tant que ses deux jambes le porteraient.
Il se disait que peut-être qu’à force il arriverait à se fondre dans le paysage; il laisserait le moins de traces possible jusqu’à disparaître comme une feuille balayée comme une bourrasque de vent en automne.
Ce matin-là, il emprunta l’allée de gravier qui menait au bord de la route qui longeait sa propriété, ferma le portail et se retourna sans même un regard pour l’auguste bâtisse qui l’avait abrité tant d’années.
L’essentiel était ailleurs, devant lui, il allait maintenant prendre le temps de vivre, de respirer, de marcher et marcher encore sur cette route puis ce chemin, et encore un autre sentier puis le long de cette promenade, toujours plus loin peut-être jusqu’au dernier jour.
C’est à ce moment qu’il prit la route avec l’impression certaine d’avoir son destin bien en main et le sentiment d’être à sa place et d’accomplir ce pourquoi il était fait.