Guillaume Tendron
Regarde l’enfant
Regarde ce petit garçon au fond de la cour.
Il est délaissé parce qu’il est différent. Différent parce qu’il ne porte pas les habits et chaussures au blason à la mode.
Différent parce qu’il préfère lire, écrire, rêver plutôt que de jouer au football.
Différent parce qu’il porte des lunettes, des cheveux bouclés et qu’il ne rentre pas dans les codes.
Regarde l’enfant
Toujours choisi le dernier pour les sports collectifs avec la complicité du prof de sport mais toujours choisi premier pour les jeux de culture générale et oublié ensuite.
Regarde l’enfant
Malmené, moqué, parfois brutalisé, bouc émissaire d’apprentis bourreaux sous le regard de quelques uns ayant peur de subir le même sort si ils le défendent.
Regarde l’enfant
Il a appris très tôt les codes de cette société injuste, la loi des plus forts qui agissent en toute impunité. Il est déjà adulte sans en avoir l’âge.
Regarde l’enfant
Il s’est relevé, il milite pour l’humanité.
Il défend la planète, il se bat pour des causes, il transmet les valeurs que ses parents lui ont donné.
Regarde bien l’enfant il est aujourd’hui considéré, il n’a même plus envie de se venger. Regarde l’enfant, il a résisté, Regarde bien l’enfant, en fait c’est lui qui a gagné, gagné.
Une réponse
Ce texte engagé qui dénonce notre refus de la différence, témoigne probablement d’un ressenti douloureux dont l’auteur voudrait se défaire, et qui, de ce fait nous semble ici comme un caillou jeté dans l’eau, loin de lui.
Ce récit bien rythmé, nous renvoit immanquablement à nos insuffisances et ne manque de faire des ronds à la surface de nos consciences, élargissant à chaque anaphore un peu plus son impact sur notre moi profond .
En effet cette presque injonction , qui demande à ce que l’on regarde l’enfant sans jamais le perdre de vue , nous apprend la nécessité curative de revenir sur nos blessures du passé et ce caillou jeté dans l’eau qui n’en finit pas de sombrer, nous conduit lentement jusque toucher le fond de nos âmes et d’en agiter les sombres dépôts enfouis, nous permettant même d’y retrouver des éclats de larmes et des bribes d’ épreuves oubliées .
Ainsi ce texte, que j’entrevois comme une victoire sur l’adversité , éveille en nous aussi, lecteurs, des souvenirs que nous pensions oubliés ou classés à la façon des « cold case » sans n’avoir pris conscience, peut être, qu’ ils demeuraient en nous à jamais, infléchissants, pesants de la sorte sur nos parcours de vie.
Alors, soudain, remontant à la surface du présent, après quelques paliers de décompression, l’on se surprend d’éprouver le besoin de remercier , une fois l’émotion dissipée, ce Semeur de mots sans lequel cette réflexion n’aurait pu germer.