Guillaume Tendron
Mon âme est enfermée dans ce corps qui ne répond plus.
Immobile dans un grand lit blanc tel un navire pris par les glaces, le mal incurable me disloque peu à peu.
Tout n’est que souffrance. La moindre respiration, boire, manger, soupirer, parler, toutes ces choses me demande trop d’efforts.
C’est comme si chaque jour, il fallait gravir l’Everest et le lendemain recommencer.
Souvent la douleur insupportable me brouille l’esprit, je suis loin de tout, sur un pont suspendu entre deux rives. Petit à petit je me rapproche de l’autre côté.
Les heures s’égrènent, j’attends le moment qui ne vient toujours pas. Je ne suis plus maìtre de mon destin. Il est entre les mains des hommes et femmes en blouses blanches.
Alchimistes, ils atténuent ma souffrance ou la prolongent. Cela dépend du point de vue d’où l’on se place. Eux sont courageux, les sages législateurs ne le sont pas. Dieu est aux abonnés absents, sinon il serait déjà venu me prendre.
Longtemps je me suis battu pour mes proches, allez encore un peu, encore quelques mois, quelques semaines. un Noël, un week-end, une visite. Il est temps pour moi de partir pour le voyage sans retour.
Chaque jour est un renoncement, ne plus marcher, ne plus s’asseoir, ne plus saisir, ne plus manger, ne plus boire, ne plus reconnaître mes proches et bientôt ne plus respirer.
Toujours d’avantage de poches, de tuyaux, d’appareils d’assistance pour prolonger de quelques jours de quelques heures, la terrible attente.
Ma vie ne tient plus qu’à un fil, je souhaiterais qu’il se casse, que l’on m’aide à le rompre avant de perdre mon âme.
Le mal m’a ôté toute ma dignité.
Qu’on laisse mon âme flotter au grès du vent et mon corps fatigué se reposer et rejoindre cette terre que j’ai tant aimé.
D’heure en heure puis de minute en minute, mon souffle s’atténue, une larme, roule sur ma joue.
Je vous dis au revoir. Je suis au regret de vous laisser.
L’attente est terminée, je pars….