Guillaume Tendron

Ouragan

17 janvier 2041. Miami, dans une maison sur Océan Drive.

 Will jette un regard par la fenêtre aux vitres brisées pour voir s’il n’est pas observé. Cette rue, il y a quelques mois encore était très fréquentée, elle est aujourd’hui déserte. Depuis le dernier ouragan, tous ceux qui ont pu, ont fuit la ville dévastée par la tempête et les inondations.

Will fait partie des survivants, de ceux qui sont restés où plutôt qui n’ont pas pu partir, faute de moyens. Ici sont restés les plus pauvres, les plus âgés et les plus malades. Les pouvoirs publics ont abandonné la ville. Depuis elle est livrée au chaos.

Certains quartiers sont gérés par des milices improvisées, d’autres par des gangs, les quartiers les plus proches de la mer ont été laissés à l’abandon.

Autrefois, Will était sans-abris, maintenant il vit dans les maisons des autres ou plutôt il survit.

Après s’être assuré de n’être pas être surveillé, Will se lance dans des investigations. Que va-t-il pouvoir trouver dans cette maison fantôme ?

Il fait déjà près de 38°C, la climatisation est hors service il n’y a plus d’électricité depuis l’ouragan. Will transpire et il est déshydraté, il n’est pourtant que tôt dans la matinée. L’air tropical est lourd, le ciel est chargé de nuages annonciateurs d’orage. Il entend le tonnerre déjà au loin. Cela ne perturbe pas Will habitué à cette atmosphère de fin du monde.

Il pousse les débris pour accéder à la cuisine pour se ravitailler. Il n’y a plus d’eau au robinet, le réseau a été éventré lors du passage de la tempête. Une espèce de boue sableuse sort du robinet si l’on tente de l’actionner. Par chance, la famille qui habitait là avait fait une réserve de packs d’eau en prévision du confinement pendant l’ouragan. Will n’a qu’à se servir.

La nourriture avariée du frigo dégage une odeur fétide. Il s’en détourne et recherche dans les placards s’il n’y a pas de conserves ou quelque aliment encore consommable. Il trouve des boîtes de corned-beef, du chili con carné et des biscuits. Rien de bien alléchant mais cela lui permettra de tenir quelques jours.

Les fenêtres brisées claquent, le vent se monte et détourne l’attention de Will. L’orage s’approche. Il entend également des vagues se former sur la plage d’Océan Drive. Une nouvelle tempête se prépare.

Will sait qu’il va falloir se mettre à l’abri. Monter à l’étage serait trop dangereux, la toiture en mauvais état fragilisée par le dernier ouragan risque de tomber sur lui. Il décide de rejoindre le garage jouxtant la cuisine. La structure du bâtiment semble encore saine et pourra résister à la tempête qui s’annonce.

Le vent est déjà strident au dehors. Il aperçoit à travers le vasistas de nombreux débris traversant Océan Drive. Des branches, des morceaux de métal, toutes sortes d’objets divers sont balayés par le vent.

L’orage gronde, la pluie tombe maintenant. Il espère que l’eau ne va pas s’infiltrer dans le garage et le prendre au piège.

Will poursuit ses investigations. Un van, combi Volkswagen est stationné là. Une chance pour lui, il ouvre la portière. Le camion est entièrement équipé. Un lit, un frigo à gaz, un réchaud. Will vérifie. Il y a le plein d’essence et encore de la batterie. Enfin de l’espoir, il va pouvoir s’échapper de ce marasme une fois la tempête terminée.

Pour l’instant il va pouvoir patienter à l’abri de son cocon. Il trouve également un transistor à pile. Il va pouvoir écouter la radio.

Le son grésille mais les ondes hertziennes passent malgré la tempête.

Au dehors l’ouragan fait rage, des trompes d’eaux s’abattent maintenant sur Océan Drive. Il entend des craquements dans toute la baraque, il espère qu’elle ne va pas s’écrouler.

Il préfère se concentrer sur le journal radiophonique pour ne pas céder à l’angoisse.
L’eau s’infiltre dans le garage mais sortir maintenant serait de la folie et il irait vers une mort certaine.

Les nouvelles ne sont pas bonnes. Un flash spécial annonce que le gros de la tempête n’arrivera que dans quelques heures.

Ailleurs dans le monde on indique que le dernier ours polaire est décédé dans l’Arctique ce matin.
La banquise est réduite à peau de chagrin. Un consortium russo-chinois a désormais le droit d’exploiter les ressources en gaz de schiste trouvées au Groenland. De nouvelles routes commerciales sont ouvertes à la navigation. Désormais il n’y a plus besoin de brise-glace nucléaire pour naviguer au pôle.

Les nouvelles s’enchaînent et le dépriment, on annonce déjà la saison des virus. La pandémie fait rage depuis plusieurs années. Un nouveau confinement sera de mise.

Will s’endort sur la banquette du combi, habitué finalement au vacarme des coup de vent successifs.

Après quelques heures le vent tombe, Will se réveille. Le soleil est revenu. Tout est à nouveau calme, presque angoissant.

Pour lui c’est l’heure de partir, ailleurs n’importe où vers le nord loin de cette maudite Floride ravagée par les ouragans.

Il ouvre avec difficultés la porte du garage. Le combi démarre. Will s’engage entre les débris sur Océan Drive et quitte Miami sans encombre. Il empreinte l’autoroute, il monte vers l’intérieur des terres. Il ira au Texas, au Colorado ou au Nouveau Mexique et poursuivra son éternelle fuite en avant. Pour l’instant il roule et c’est tout ce qui lui importe, quitter la côte est pour continuer à vivre dans un endroit plus sûr.

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